Magnifique parcours d’Aurore, que l’on voit éclore au fil de la lecture.
Quand on suit sa Nature et son intuition, tout nous guide vers ce que l’on « est »…
pour offrir notre oeuvre, notre partition au monde.

Un grand merci à la « petite voix ». Je me demande d’ailleurs pourquoi on dit d’elle qu’elle est petite. Je la ressens comme une grand-mère sage, bienveillante et encourageante.

J’ai la sensation qu’elle a toujours été là, à veiller sur moi pour que je ne me perde pas en route.

Enfant, je l’ai entendue me parler, à travers les arbres, dans la lumière du soleil à travers les vitraux, me dire qu’elle m’aimait et qu’elle ne m’abandonnerait jamais.

Elle approuvait mon côté sauvage, rieur et fou. Elle courait avec moi au bord du ruisseau et elle me parlait à travers les animaux.

Et puis je ne l’ai plus entendue, ou je ne l’ai plus écoutée, car dans le sérieux des adultes, j’avais entendu que ce n’était pas possible, qu’elle n’existait pas, alors je l’ai tue.

Est venue la traversée des espaces parfois cruels de l’enfance, de l’adolescence, à chercher à être celle que je n’étais pas.

Mal au ventre le matin avant d’aller à l’école. Mais bonne élève, très bonne élève même, avec une année d’avance.

Surtout, ne pas décevoir.

Heureusement il y a la danse

 Et ce rêve secret au plus profond de moi de vivre ce qu’ils vivent dans la série « Fame » à la télévision : une école d’art, de danse, de musique et de chant. Whouah! Envie de vibrer comme ils vibrent tous !

Je vais à la danse. Ma mère m’y encourage. Je crois aujourd’hui qu’elle a toujours rêvé d’être danseuse.

En fin d’année de 3ème,  c’est le spectacle de fin d’année du collège.

Je suis une star ! Enfin on me regarde autrement que comme l’intello de la classe. Oui, je sais danser, et il paraît même que je danse vraiment bien.

Mon professeur de français m’écrit ces mots d’aurevoir : « J’aimerais tellement que promesse devienne réalité pour que tu sois ce que tu parais être ».

Je ne comprends pas mais je suis touchée, profondément.

Quelle est celle que je suis ? Moi en tous cas, je ne la vois pas, pas encore.

Au lycée, je respire un peu. L’internat me fait du bien, me donne de l’indépendance.

Je grandis, mon corps change. Je me contrôle. Je ne bascule pas dans l’anorexie mais j’oscille. Pas loin. Ouf !

Je danse toujours. Modern’Jazz et danse contemporaine. Deux fois par semaine, je traverse la place aux grands arbres pour rejoindre mon cours de danse. Il y a ce désir d’être comme ces autres filles qui sont là avec moi  dans la salle de danse, face au grand miroir.

Je me mets même à la danse classique, pour faire des pointes !

Il semble que ce soit cela une vraie danseuse.

Oui, mais ça fait mal aussi.

Le bac en poche, les études universitaires se profilent. J’adore les langues et j’opte pour l’Anglais.

C’est l’occasion de voyager. Une année en Irlande, puis une autre au Canada anglophone, en Ontario, où je vais enseigner le français en tant qu’assistante. Je valide ma maîtrise avec mention.

Tout au long de mes études, je ne lâche pas la danse, je m’arrange toujours pour trouver, ici et là, des cours, un atelier chorégraphique, une compagnie amateure… Oui, je nourris toujours comme un secret encore inavoué à moi-même, ce désir d’être un jour une danseuse professionnelle.

Je fais un choix

 L’année au Canada est déterminante car c’est la rencontre avec deux « frères d’âme » qui croient en mon rêve de danser et ils m’y encouragent. C’est aussi la décision de mon père de quitter ma mère.

Une déflagration.

Un déclic aussi.

Je décide que, non, je ne serai pas professeure d’anglais dans l’éducation nationale, et que oui, je serai danseuse car c’est maintenant ou jamais.

Mais j’ai déjà 22 ans, je n’ai pas fait d’école de danse prestigieuse, autant dire que ce n’est pas gagné d’avance ! Sensation aussi que je trahis un peu mes parents qui ont financé mes études, mais après tout c’est ma vie ! Si, si !

Je vibre à une fréquence formidable

A ce moment-là, je suis en joie comme jamais je ne l’ai été, en confiance totale. Aurais-je renoué avec la voix intérieure ?

Je décide de ne pas revenir en Normandie auprès de ma mère, en pleine dépression, depuis le départ de mon père. Je me débats avec la culpabilité mais je tiens bon. Mon désir est plus fort. Et je pars vers la Bretagne où j’y ai deux amies et où j’ai l’intuition qu’il y aura là-bas quelque chose pour moi. C’est une terre qui me rappelle l’Irlande et je m’y sens bien.

Mon intuition ne m’a pas trompée. Comment le pourrait-elle ?

Dans le mois qui suit mon arrivée en Bretagne, je rejoins, un peu timide, un collectif artistique au sein duquel je rencontre un chanteur musicien.

Ce n’est pas le coup de foudre, je suis pleine de nœuds d’une précédente histoire, mais la voix du dedans me dit d’essayer, quoi que j’en dise.

« Un Nous dénoue les Nœuds ».

Voilà l’invitation de ce jeune homme que je ne connais pas et qui semble tellement différent de moi ! Comment cela pourrait-il fonctionner ?

Un tournesol offert sur le marché, un baiser sous un chêne, je veux bien essayer, mais je ne te promets rien…

Mon arrivée en Bretagne, c’est aussi la découverte d’une compagnie de danse professionnelle dont le langage chorégraphique me parle aux tripes. Un travail sur la rencontre de deux mondes apparemment opposés, la danse contemporaine et classique avec les traditions afro-brésiliennes (capoeira, afoxé…). C’est une danse qui relie la terre et le ciel.

Ça transpire, c’est de la performance en puissance, c’est beau et j’en pleure.

Comme j’aimerais danser cette danse-là !

Mais je n’ai pas de diplôme. Je n‘ai pas fait l’école « Fame », moi. J’ose cependant partager mon enthousiasme aux deux chorégraphes qui me proposent de venir, aux cours de la compagnie, le matin, travailler au fond de la salle, pour voir.

Yes ! Je me mets à travailler d’arrache-pied (c’est le cas de le dire !). Six mois à travailler dans l’ombre, pas un sou en poche, mais une volonté de fer. Par ailleurs, je pose en tant que modèle pour des ateliers de peinture et de sculpture pour gagner un peu d’argent. Et arrive ce jour où la compagnie me propose de prendre la place d’une danseuse qui s’en va.

Ça y est ! Mon rêve se réalise !

Le travail au sein de la compagnie me permet très rapidement de bénéficier de l’intermittence du spectacle.

Je danse, et c’est ma profession !

Autant dire « ça y est, j’ai réussi ! »

Mais pendant les six années qui suivent, je ne suis pas pour autant plus heureuse à l’intérieur. Je rencontre l’exigence, la notion de limites et de dépassement, j’éprouve la peur face à l’autorité, les douleurs et les blessures physiques qu’il faudra taire, j’expérimente une sorte d’état constant de « sur-vie » … Nous travaillons beaucoup, en revanche, les spectacles sont très peu joués en public.

Souvent la danse fascine.

C’est beau, magique.

Oui.

Mais – et je sais que cela peut sembler improbable – on peut danser sans être dans son corps.

Oui, c’est ce que j’ai vécu, d’une certaine manière.

Une danseuse à côté de ses pompes ! Vous imaginez ?

Et ça fait mal, à tous les niveaux.

Grande rupture avec la danse, avec mon rêve…

 J’ai besoin d’air. D’espace.

Je ne me sens plus à ma place.

 Il y a ce désir de revenir à moi, en moi.

Je sens que je ne peux plus donner ainsi.

Que les choses ne circulent pas de manière juste.

Je ressens un véritable épuisement physique, mental et émotionnel.

Il me faut tout arrêter.

Est-ce mon rêve que j’ai réalisé ? Ou celui de quelqu’un d’autre ?

Et la joie, la joie pleine et profonde, où est-elle ?

De beaux cadeaux

C’est là, dans cet espace vide qui s’ouvre, que l’appel de la vie se fait. Commence alors la gestation de notre fils Marius qui naît à la maison, celle que nous rénovons à la force de nos petits bras, mon compagnon au tournesol et moi. J’ai alors 30 ans.

Dans l’année qui suit, une compagnie de danse me fait la magnifique proposition de reprendre un rôle et j’ai la chance de pouvoir danser de nouveau, mais cette fois de rencontrer davantage le public, de voyager en Europe et même jusqu’en Corée ! Et Marius est souvent du voyage.

C’est comme si sa naissance avait remis quelque chose en mouvement.

Oui, la naissance de Marius met quelque chose en mouvement.

Et quel mouvement !

Je me mets au travail

 Je veux dire, le VRAI travail.

Alors que je regarde cet enfant assis par terre comme un petit bouddha bien enraciné, solide et joyeux, il y a quelque chose dans ses yeux qui me dit : « Maman, t’es où ? Tu tiens pas debout ».

C’est comme une sonnette d’alarme, qui retentit plus fort encore quelques semaines plus tard, lorsque j’ai un accident de voiture que je me fais toute seule et dont je ressors heureusement indemne.

Cet évènement semble me dire

« Hé, tu te réveilles ? Tu vas continuer encore longtemps comme ça ? »

C’est bon, j’ai compris. Commence alors un vrai travail en profondeur avec une thérapeute holistique rencontrée (par hasard ?) sur un festival où j’ai le dos bloqué et où nous avons dû annuler notre représentation. Avec elle, je vais nettoyer beaucoup de mémoires et de blessures. Ça passe par le corps, par le souffle, par la voix, par des mises au monde successives.

C’est également la rencontre et toute une année d’enseignements, auprès d’une chamane dans la forêt de Brocéliande.

Ce sont aussi des lectures, des enseignements, stages, traversées de développement personnel depuis plus de 10 ans maintenant pour cheminer vers celle que je suis …

Et le travail sur le plan professionnel… ?

 Après avoir été interprète pour les autres, émerge le désir de poser un acte artistique personnel.  « Qu’est-ce que j’ai à dire, en ce monde ? »

Cela s’incarne dans une collaboration avec une danseuse comédienne rencontrée quelques années plus tôt dans un projet que nous avions intitulé Morceaux de Soi.

L’axe principal de la compagnie de théâtre que nous montons ensemble, à ce moment-là, nous sommes en 2010, est de questionner notre « être là », la place de l’être humain dans le monde…

Oui, rien que ça !

Cela prend la forme d’un solo qui s’intitule Je suis un endroit et qui est inspiré de l’œuvre d’Alessandro Baricco, romancier italien : une femme (que j’incarne) est en adresse directe au public. Elle est convaincue de parvenir à créer un auto-écouteur avec des tubes en PVC pour entendre sa propre voix…mais ça ne marche pas comme elle voudrait… 

A travers cette création, je découvre le travail du clown, dont j’avais très peur étant petite…Je découvre que je peux être drôle et que je peux même jubiler de cela. Et ça, c’est énooorme !

Ce travail de compagnie est une véritable traversée. Une magnifique aventure au cœur de laquelle, avec ma collaboratrice, nous cherchons et créons à partir du matériau que NOUS sommes. C’est un travail extrêmement engageant que celui du plateau de théâtre, de la confrontation, de la collaboration, de la rencontre, de l’écriture, d’oser exprimer les peurs, d’oser leur faire face. Et de créer à partir de tout cela.

En parallèle, je monte pour la première fois de ma vie une structure de production de spectacle vivant pour promouvoir nos spectacles ainsi que ceux de mon compagnon.

Alors que je n’ai plus de revenus, que notre enfant a trois ans, j’ai conscience que c’est beaucoup, que c’est un peu fou, mais je fonce, grâce au soutien sans faille de mon compagnon au tournesol (oui, il est toujours là !).

Je ne suis pas inquiète matériellement, pas besoin de grand-chose, mais besoin d’élan, de vibration, de me sentir vivante.

Je suis compagne, mère, directrice artistique, interprète, coordinatrice. Je monte des dossiers, je rénove une maison…

… Et je m’épuise.

C’est évident.

Mais je continue, coûte que coûte.

Je confonds vivre et sur-vivre.

Le point de non-retour

Au cours du processus de création d’un troisième spectacle intitulé « Quel Temps ferons-nous demain ? », je sais que je suis au bout de quelque chose. Que ce n’est plus possible parce que si je continue je vais tomber malade.

Gravement malade.

Nous sommes en 2017, j’ai 40 ans et ma petite voix me hurle :

« Ça suffit Aurore, tu t’es dépassée, tu es allée au bout de toi-même. OK.

Il va falloir arrêter maintenant. Tu vas vraiment prendre ta place, tu vas vraiment faire ce pourquoi tu es là. Tu n’as plus à te battre. Tu n’as plus rien à prouver à qui que ce soit et surtout tu vas prendre soin… de toi. »

C’est un déchirement intérieur intense, c’est comme si les murs à l’intérieur de mon corps commençaient à s’effriter. J’ai l’impression de trahir mes pairs, de me trahir, mais je n’ai pas le choix. Ce n’est plus possible, je le sais bien. J’ai fait ce que j’avais à faire et maintenant il faut que je fasse autre chose.

Que je FASSE autre chose ???

Ou que je commence à ETRE ?

Je contacte quelque chose de l’ordre de ma vérité intérieure

Entre temps, ces dernières années, je me suis tournée vers le tai-chi et le tango argentin. Des pratiques qui s’appuient beaucoup sur le ressenti. En 2012, notamment je rencontre le yoga sur l’invitation d’un voisin.

Et alors que je referme la porte derrière moi à l’issue du cours ; je me dis que rien ne sera plus jamais comme avant.

Oui, pendant ce cours de Yoga, j’ai vécu une expérience corporelle jusqu’alors inconnue.

J’ai vu.

J’ai vu ma difficulté à être pleinement là, dans mon corps. Moi, la danseuse. J’ai entrevu toutes les souffrances aussi que j’avais imposées à mon corps et combien je ne l’écoutais pas.

Je décide de faire le pas et de continuer le yoga. Je commence à étudier, à pratiquer très assidûment, heureuse d’explorer. J’aime apprendre lorsque ça  me fait vibrer. Je rencontre au même moment l’Ayurveda, science et médecine préventive holistique, sœur du Yoga, vieille de plus de 5000 ans, qui vise à nous relier au vivant. Elle met en lumière combien ce qui se vit à l’extérieur de soi est le reflet de ce qui se vit en soi, et vice versa.

Tout alors fait sens pour moi.

L’enseignement du Yoga m’apparaît comme ma voie de salut !

Je décide de m’engager et de me former pendant 4 ans pour valider cette compétence.

Je cesse de lutter

Aujourd’hui est venu pour moi le temps de partager, de transmettre.

 J’ai tellement reçu de la vie, à travers mon corps, au fil de toutes ces expériences.

J’ai découvert qu’il y a la nécessité de mourir à l’ancien pour pouvoir créer de la place et accueillir le nouveau.

Il n’y a pas de prise de conscience sans « crise », sans « rite de passage ».

Se mettre au monde est un travail d’ombre et de lumière.

Accueillir cette dualité qui nous compose est essentielle pour s’unifier.

Et cela passe par accepter, d’abord.

Se pardonner, se donner toute la douceur possible pour s’accueillir dans nos choix passés, nos errances, nos douleurs, nos souffrances. Dire Oui, car c’est aussi à travers eux que nous grandissons, que nous cherchons, que nous créons…

C’est dans le frottement que l’énergie se révèle, c’est au cœur de nos contrastes que notre couleur émerge, dans nos contradictions que notre justesse prend place.

Petit à petit.

Quitter le faire.

S’accorder du temps pour être.

Et laisser l’action juste en découler, comme la rivière…

Aujourd’hui

Dans l’accompagnement en Yoga que je propose avec ORAYAME à travers des stages, des cours collectifs mais aussi individuels, mon intention est d’accompagner chacune et chacun à découvrir son propre yoga, au cœur de son propre corps.

YOGA vient de {JUG} en sanskrit qui signifie « relier, unir, joindre ».

Pratiquer le Yoga dans l’intention d’un effort juste, au plus près de notre essence profonde, en liberté et en respect de soi, voilà ce à quoi j’invite et j’accompagne.

En fluidité et en douceur.

Merci à la Vie. Merci à la Voix.

AURORE MARGUERIN

Retrouvez Aurore sur son site : www.orayame.fr