Voici une femme dévorée par l’ambition de se faire un Nom en accumulant des connaissances livresques et des richesses. Ce désir est légitime en lui même, mais il la conduit à négliger de graves devoirs.

Son désir de réussite incarne les désirs de cette société occidentale qui cherche à nous pousser toujours plus haut, société qui ne veut pas que l’on regarde le puits ouvert sous nos pieds. Et, elle, elle a les yeux rivés sur la cime et ne veut pas regarder ce puits abyssal ouvert sous ces pieds depuis si longtemps.

Cette femme est comme chacun d’entre nous dans ce monde, dans sa perspective de réussite. Elle garde les yeux fixés sur ce qui lui semble être le garant de sa reconnaissance à venir : une belle maison, une grande voiture, un beau mari… Elle court après cette image d’Épinal qu’elle voit tous les matins dans les publicités.

Tout à l’extérieur semble être parfait, car cette image, elle a fini par l’incarner dans sa vie à force de hautes luttes ! Pourtant, son cœur pleure la nuit.

Une nuit plus profonde que les autres, elle rêve : «  son bureau rempli de bouquins et de livres de comptes est plein de vers qui grouillent et qui dévorent son travail… Et sur le sol sont disséminés des fientes et des excréments d’oiseaux »

Elle se réveille en nage… La symbolique est sans appel… Voilà le début du jugement de s’être coupée d’elle-même.

Sa belle réussite, son savoir accumulé sont frappés de stérilité, souillés à la base.

Ses fruits proviennent de son arbre, mais ce dernier est coupé de ses racines vitales.

Son arbre, ses fruits sont pourris, rongés par les vers !

En fait, ces vers ne sont que le symbole de son sacrifice… Car, elle a perdu une partie d’elle même dans cette poursuite d’ascension sociale et de notoriété.

Elle a perdu la nappe phréatique des forces inconscientes qui sont à l’œuvre dans l’univers. Elle a perdu la force des mystères. Elle a perdu l’énergie vitale et cosmique. Elle a perdu sa Terre et son Eau qui aurait pu faire pousser ses fruits sur des bases fertiles. Elle a perdu ses instincts, sa truffe, ses griffes. Elle a perdu la vie sous sa forme la plus brute et la plus mystérieuse au profit d’une vie pâle emplie d’obligations et de chiffres. Elle a perdu le savoir organique et expérimentée. Et ces vers sont le symbole même de la vie organique. L’humus à la base des arbres en est plein !

Ces aspects d’elle-même sauvages, instinctifs, primitifs, mystérieux, grandioses ont été refoulés et méprisés dans sa vie consciente. Et ils vont donc réapparaître sous forme inconsciente dans son rêve , sous une forme animale primitive… Ils réapparaissent sous cette forme organique d’animal qui n’a pas de forme : un vers…

Et ce vers lui mange ses livres (savoir mental et non pas organique) et ses comptes (richesse).

Ce petit animal presque unicellulaire lui bouffe son bel édifice qu’elle tente de maintenir debout depuis tant d’années avec tant d’efforts !

Le constat est donc sans appel. Sa construction est vermoulue parce que sans corps, sans sève et sans vie ! Sa construction est même pleine de matières fécales, qui elles proviennent au moins de la base, de la racine, du premier chakra !

En poursuivant cette quête d’Or du savoir et de la réussite sociale, son âme s’est remplie de matières fécales, de merde… C’est l’équilibre des forces et des polarités. Si l’énergie se focalise sur un aspect au détriment de l’autre (le haut au détriment du bas), l’autre polarité va vite se faire entendre !

Et symboliquement, c’est à partir du fumier (matières fécales) que l’on peut créer de magnifiques fruits non ? Et si l’origine de ce qu’il y a de plus élevé était à chercher dans ce qu’il y a de plus bas ?

À partir de ce rêve, son édifice s’écroula… Elle se mit à vivre une immense crise pour la remettre en lien avec ses racines.

Mais grâce à ce rêve, elle comprit la symbolique de cette crise gigantesque…

Elle sut grâce à lui, que toute sa lumière allait lui être révélée dans cette nuit obscure de l’âme.

Dans ses épreuves, son premier édifice coupé de sa base tomba. Son premier arbre sans racine et sans sève chuta…

Tout ceci pour faire place à sa belle graine. Une graine qui était enfouie au plus profond de sa terre, dans l’ombre de ses racines qui, elles étaient pleines de Terre et d’Eau.

CAROLINE GAUTHIER

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