Aussi longtemps que je me souvienne, je me suis vécu « hors », hors de ce que l’on appelle communément la vie. Ce monde, tel que je le percevais, était définitivement inhospitalier à mes yeux et les petites poches de survie dans la nature, avec une amoureuse ou au son d’une mélodie ne consolaient rien. Il y avait là un frein, comme un « non » de celui qui ne veut pas venir. Avec les années j’avais entériné ma propre croyance : la vie était ainsi…

Quelque chose en moi n’a pourtant pas pu se résoudre à cette affirmation… Il y a une quinzaine d’années, je me suis mis en quête. Ne trouvant pas de réponses au sein de ma famille, je suis allé la chercher dans une communauté alliant travail de la terre et spiritualité. Cette association correspondait à une aspiration profonde sans doute.

Pendant cette expérience, de mariage il n’y en a pas vraiment eu et mon regard continuait à chercher l’issue par le haut. Je continuais à penser qu’il y avait quelque chose de fondamentalement pénible à être humain. Donc si c’était vraiment le cas, les sages et les éveillés de tous poils allaient me montrer la voix. Jojoba, Mudra Joui et autres (la ressemblance avec des maîtres ascensioniés existants -ou non- est purement fortuite) se sont succédés dans mes lectures, mes rencontres.

Alors oui, de belles inspirations il y en a eu quelques-unes, au point que je les invitais même au coeur des conflits avec ma compagne. J’étais capable de lui asséner cette petite phrase spirituelle qui vous laisse bouche bée et qui coupe court à tout partage.  Je savais très bien prendre de la hauteur jusqu’à… ne plus l’entendre… et puis je restais encore un peu plus seul avec ce poing fermé dans le ventre et orphelin de la terre.

Peut-être n’étais-je pas allé assez loin dans ma soif d’absolu ?

À partir de cette blessure racine l’enseignement de la non-dualité était donc tout choisi. Pour celui qui confondait comme moi le doigt et la lune n’était-ce pas la plus belle des façons de se couper de ses tripes encore un peu plus ? Et hop ! j’étais reparti pour un tour de sauces « tout va bien dans le meilleur des mondes » ; sauf que moi ça criait à l’intérieur : « C’EST QUOI D’ÊTRE VIVANT ? »

C’est donc à un stade d’inertie assezavancé, genre larve qui ne veut pas mourir, que je suis tombé sur le poème de Caroline « Elle a tout bien fait… mais . Sur son site, un stage pleine nature que j’attrape comme une bouteille flottant sur la mer (jetée qui sait, peut-être par moi-même il y a bien longtemps ?).

Est-ce que cela va être une expérience de plus à ma collection de chercheur?

Je suis pourtant interpellé par ce titre « Au Nom du Corps ». Là où jusqu’à présent j’avais croisé des personnes faisant référence à un espace plutôt immatériel, voilà que ce corps avec ses sensations refait surface, cela m’intrigue…

Tout au long de ces 4 jours ce ne sera ni plus ni moins un vrai corps de chair que j’ai rencontré en moi-même. Un corps qui rit, un corps qui pleure, un corps qui éprouve le vivant… Et Dieu que c’est bon !

Je me suis senti par moment comme une sorte de bambou creux où tout a le droit de passer, où tout est à sa place. Cette séparation subtile entre le profane et le sacré avait, mine de rien, rompu le fil entre moi et moi même, moi et les autres, moi et la vie…

Alors que s’est-il passé pour que ce « moi et… » ne soit plus cela qui guide ma vie désormais ?

Allez je me lance… je tente une pseudo explication même si je sais qu’au fond il y a quelque chose de bien mystérieux…

C’est le terme de « pont » qui me vient… Bien souvent dans le ressenti, il y avait ce que je vivais à « l’intérieur » et ce quise passait à « l’extérieur » comme deux mondes qui n’avaient rien en commun…

Quelle jubilation quand tout fait « sens », qu’il est possible d’emprunter les passages juste comme on est, de la manière la plus simple qui soit.

J’ai fait l’expérience du trivial dans le sacré et ç’était doux… Au coeur d’une grosse déconnade, une p’tite porte vers les profondeurs… et ça souriait… et ça avait à chaque fois du goût, le goût d’une bonne tranche de vie !

Merci pour cette réconciliation avec La Grande Nature : Cette nature toujours intime, intense que l’on soit dans des grottes aux passages étroits, le coeur rétrécit ou le regard lumineux, cette nature d’eau, d’air, de feu et de terre… qui danse… qui danse et qui ne s’arrêtera jamais de danser !

J’ai aimé plonger mon histoire dans les cavités sombres, laisser monter une larme dans les bains doux… comme un dialogue qui nourrit. J’ai aimé la beauté de chacun, la force du groupe et son pouvoir de résilience. J’aime Caroline ton regard sur les choses et la petite pulsation derrière…

Pour la nouvelle graine que j’accueille,

THIERRY