Ma Re Naissance

Je suis mariée depuis trente-quatre ans, nous avons trois beaux et grands enfants, eux-mêmes en couple et trois amours de petits-fils. Nous sommes à la retraite depuis trois ans, nous avons une jolie maison … Vue de l’extérieur, ma vie paraît plutôt réussie. Je semble avoir tout ce qu’il faut pour être heureuse. Et pourtant
Depuis dix ans, je me bats seule, tous les jours, contre un terrible sentiment de vide intérieur. J’ai l’impression d’être dans une lente chute libre, comme si ma vie perdait son sens jour après jour. Je n’ose en parler à mes proches, car j’aurais l’impression de me plaindre comme une enfant gâtée. Pourtant, je me seule très seule, perdue.

En avril dernier, je découvre le livre de Caroline « Au Nom du Corps ». Tout s’enclenche. Je sens que de ma chute implacable, je vais retirer un enseignement, une leçon de vie qui va changer le cours de mon existence.
Caroline propose un stage au Pays Cathare sur les lieux de son roman. Je ne suis pas disponible pour le premier stage en mai, ni pour celui de juillet, mais je finis par m’inscrire pour celui de septembre.

Je me souviendrai toujours de mon arrivée au gîte. Quel bel endroit, si paisible, isole, au pied du Mont Bugarach. Caroline m’accueille chaleureusement ainsi que Patricia et Sylvie. Patricia est attirée par la chambre bleue celle qui donne sur le Mont Bugarach. Pour ma part, je sens que c’est auprès de Patricia qu’il faut que je sois … Pourquoi ? Je ne tarderai pas à le savoir.

La première visite est celle des trois grottes où l’on pratique une méditation. À ce moment, je visualise mes parents et je leur pose cette question : »Que s’est-il passé lors de ma conception ? »
Je suis la neuvième d’une fratrie de dix enfants, à vrai dire, la dixième, puisque ma mère, dix-huit mois avant ma naissance, a perdu une petite fille qui n’a vécu que quelques heures. Pendant qu’elle m’attendait, elle a eu des menaces d’accouchement prématuré et on lui a prescrit un médicament « le distilbene », hormone de synthèse reconnue aujourd’hui comme un perturbateur endocrinien et qui provoque des malformations graves chez l’embryon. J’en « paierai les pots casses » vingt-cinq ans plus tard quand, à mon tour, je deviendrai Maman : grossesse difficile, alitée puis on me diagnostiquera une lésion précancéreuse du col de l’utérus après la naissance de mon fils aîné.
Après moi, ma mère fait une fausse-couche tardive. Depuis toute petite, elle me répétait : « nous t’aimons beaucoup ton père et moi, car tu es passée entre deux catastrophes ». Enfant, j’étais flattée, fière d’entendre cette phrase. J’ai compris récemment la portée de ces mots et cette lourde charge qu’inconsciemment ma mère me faisait porter sur les épaules. Je devais me battre, ne pas décevoir mes parents, être lisse au point de n’exister qu’à moitié, nier mes besoins, mes désirs, protéger ma mère si fatiguée par toutes ses maternités. Dans ma tête d’enfant, c’était le prix à payer pour ne pas subir le même sort que mes deux petites sœurs que je n’avais pas connues !

Sur ces terres, au Pays Cathare, mon corps se souvient, m’envoie des signaux : je n’ai plus la sensation de faim, ici je suis venue chercher d’autres nourritures. Je dors très peu et mal. Je me réveille souvent en larmes, la gorge serrée. J’ai mal au ventre.
Sur le « fauteuil du diable  » dédié à Isis, déesse égyptienne, modèle de l’amour conjugal et du dévouement maternel, je ressens un premier lâcher-prise, mon bas-ventre et mon utérus, jusqu’alors vides et froids, se réchauffent. Une douce chaleur m’envahit, je suis vibrante et vivante. J’ai envie d’avoir du désir, de ressentir du plaisir et d’être enfin connectée à mon sexe.

Ah, ce sexe, cette partie intime dont on m’a amputée à l’âge de 9 ans, alors victime d’inceste par mon frère qui avait quatorze ans. Petite fille sacrifiée, salie, enfermée dans le silence et le déni, femme devenue frigide, pleine de peurs viscérales, de dégoût, de culpabilité, traversant des décennies d’errance et de souffrances.

Le stage s’achève, il ne dure que quatre jours, mais le travail entrepris a été intensif, profond, guidée par Caroline, si attentive, prévenante et authentique.

J’en repars transformée. J’ai lavé mes blessures dans les sources chaudes, dépose mes peurs archaïques dans les sources froides de la Fontaine des Amours. J’ai pris conscience que je devais être désormais ma priorité, qu’il me fallait m’accepter telle que je suis avec mes parts d’ombre et de lumière, qu’il me fallait m’aimer, accepter et accueillir les souffrances et ne plus les cristalliser dans mon corps et dans mon cœur. Je suis aujourd’hui à l’écoute de mes sensations, je me respecte et je jure que jamais plus je ne laisserai plus personne me blesser.

Au moment où je vous écris, je me sens apaisée. J’ai pardonné à mon frère incestueux, à mes parents qui n’ont pas su me protéger, à mon mari qui n’a pas perçu toute ma souffrance et surtout je me suis pardonnée. J’ai enfin coupé le lien d’inceste. Mon corps est libéré de ses chaînes, je ressens du désir pour mon conjoint et je m’autorise enfin à prendre du plaisir. Certes, ce n’est pas encore le Nirvâna, mais doucement cela vient. Que c’est bon !

Merci à vous toutes mes sœurs de cœur qui avaient partagé avec moi ce moment magique, merci pour votre écoute, votre empathie, votre tendresse, votre amour.
Un grand merci à Véronique qui a su si bien accompagner chacune d’entre nous avec beaucoup de cœur, de sensibilité et merci beaucoup à toi Caroline sans qui cette aventure merveilleuse n’aurait pu exister. Je suis pleine de gratitude, tu m’as réconciliée avec mon corps, tu as ouvert mon cœur, délivrée de mes démons et permis que je ne sois plus, dès lors, qu’Amour pour tous ceux que j’approche.

 

CATHERINE LAUNAY