J’ai eu la joie de tenir l’ouvrage de Marion…
Je ne sais pas comment vous décrire le ressenti que j’ai eu… Magique…
Parce que ce passage me parle tellement fort en tant que Mère !
L’expérience partagée ici est très puissante…
Merci Marion…

C’est très tôt que j’ai dû apprendre à développer mon sens de ce que j’appelle « la traduction » des émotions et des stratégies des êtres qui gravitent autour de moi.

Car lorsque l’on quitte son pays de naissance à l’âge de six ans, pour connaître au total quatre pays différents, et autant de langues en une douzaine d’années, il va sans dire que l’on doit s’adapter, en trouvant des astuces. C’est donc ce que j’ai dû faire pendant mon enfance.

Pourtant ce n’est que bien plus tard que j’ai réellement mis à profit ce qui, avec le temps, est devenue une qualité. Pour cela, certaines expériences de vie ont été nécessaires pour que cela s’impose à moi.

A 6 ans, je suis partie de la France avec mes parents et ma fratrie. J’ai pris l’avion pour la première fois vers la Turquie. J’ai vu du ciel, la terre ronde, ce dessin de notre monde, je le vois depuis que je suis enfant. A ce moment, les questions qui me tourmentent étaient : allais-je revenir dans mon pays ? Quand ? Et pour combien de temps ?

Aujourd’hui, je peux me revoir à 6 ans, à 10 ans quand je suis ensuite partie pour l’Afrique du Sud, puis à 12 ans pour l’Allemagne, à 15 ans pour le Portugal et, enfin à 18 ans, pour le retour à Paris assimilant les usages, les codes de politesse ou vestimentaires, apprenant quatre langues étrangères et leur culture. Je me fondais dans chaque pays.

Le décalage de culture me fait, par moment, entrer en conflit entre une part de moi et une autre étrangère. Personne ne pouvait comprendre ce que c’était, que d’avoir vécu toute mon enfance et adolescence à l’étranger, et de revenir dans mon pays sans pour autant m’y sentir française. J’étais étrangère en France maintenant. Etre expatriée a été aussi d’accepter que mon déracinement puisse me faire perdre mes repères. Je m’accrocherais adulte, dans mon métier, à « l’arbre » généalogique pour mieux recentrer chaque personne.

Face à cela, j’ai alors trouvé une porte de sortie, les nouveau-nés ; ils étaient ma fenêtre vers la connaissance du monde. Les observer, les sentir, traduire leurs émotions, leurs comportements étaient devenus ma passion. Il fallait bien commencer par l’origine des âmes.

Mon enfance hors norme m’a permis de cerner rapidement les personnes. Leur personnalité. Leurs habitudes. La langue était souvent une première barrière, il me fallait utiliser d’autres moyens pour communiquer. Comme je le faisais avec les bébés. C’est alors que ma sensibilité se développait. Je comprenais les douleurs. Je distinguais les visages aux bonnes intentions, les sourires empathiques. Les bébés étaient mes petits soleils. Je brillais en leur présence. J’observais leurs parents, jeunes couples : doux, patients, compréhensifs et aimants.

A 31 ans, c’est mon tour, je suis enceinte de mon premier enfant avec beaucoup de difficultés. Mon mari et moi-même sommes heureux de cette nouvelle qui s’offre à nous comme l’annonce d’un petit miracle.

Lorsqu’à 22 semaines de grossesse tout bascule vers l’accompagnement du décès de notre premier fils : c’est un tremblement de terre. Je vis un véritable effondrement de valeurs. Je perdais en un instant tout ce que j’avais construit. C’était mon histoire mêlée à celle de mon mari qui revenait. Tout perdre sans que rien ne le remplace.

Était-ce à mon tour de passer de l’autre côté ? Allais-je survivre à ce traumatisme ? A quoi bon me nourrir puisque mon bébé n’est plus au creux de mon ventre ? A quoi bon être femme si je ne peux porter la vie ? Que faire face à ma peine immense et brutale ?

« La mort c’est quand tu arrêtes de vivre » disait Françoise Dolto.

Que comprendre de cet arrêt de grossesse ? Peut-être que la Vie est importante et que je n’en ai qu’une. Je peux, si je le désire, la choisir. Quelle aventure m’appelait ? Qu’ont vécu les femmes et mères de ma lignée pour que je perde tant ? Au fils des semaines, je décide d’écrire. Tout au long de l’écriture, je sens que je suis choisie pour éclairer. Mon témoignage « Naissance d’une mère » laisse une trace de la vie furtive de notre petit garçon, Balthazar, dont le prénom embaume les morts.
Tout perdre.

Dans l’entre deux de la survie et la mort, il y a un travail possible : vivre. Je touche du doigt que ce travail de Sherlock Homes n’est pas seulement pour moi, c’est aussi pour l’histoire d’une lignée qui ne peut se construire davantage sur des déchirures et des traumatismes. Comme toutes les histoires, de toutes les familles. Il y a un chemin, un pont même qui permet de relier le savoir au savoir-faire et de délivrer un sens aux évènements.  De relier la mère anéantie par le chagrin à celle qui décide d’être mère à nouveau. Pour guérir la maternité filiale. Je m’étonne de décoder en chacun de nous, une boussole, qui oriente nos émotions, nos croyances et nos valeurs. Voilà ce qui fait sens à présent. Il m’a fallu accepter d’être coincée dans la difficulté à donner la vie alors que je croyais avoir en moi toutes les ressources nécessaires. Je ne ressentais pas mes handicaps à cette époque et je ne le ressentais pas car mon cerveau intelligent (le néocortex) allait trouver 50 millions de raisons pour m’éloigner de celui-ci. Parce que me regarder dans mes failles est difficile. Accepter les erreurs sur lesquelles je m’appuyais à cet instant-là. Ces erreurs qui appartenaient à des comportements des membres de ma lignée familiale. Mais je n’étais pas obligée de les renier pour pouvoir m’en débarrasser et chercher à être parfaite. J’ai acquis, au fil des années de mon développement personnel, le réflexe de cette question : « En même temps, mon cerveau connaît beaucoup de grossesses à risques et des morts d’enfants en bas âges, il ne connaît pas autre chose alors comment pouvait-il me donner un autre résultat ? » Il n’y avait pas de fatalité. Ce n’était pas un scoop. Il me restait deux options : « Est-ce que cela m’intéresse de continuer à vivre de cette façon-là ? » ou « Est-ce que j’ai envie de modifier les choses ? »

Réconcilier chaque individu avec son histoire familiale. Cette mémoire invisible, celle que nos parents, grands-parents nous transmettent sans que nous le sachions consciemment, mais qui conditionne nos choix, nos vies. Mon bébé était mon petit messager. Il apportait sa pierre, il m’avait choisi avec son père pour modifier certains apprentissages… Alors j’ai voulu apprendre à traduire les messages implicites de la lignée familiale pour que l’avenir soit entre mes mains. Que mon avenir puisse m’appartenir. Pour ne plus vivre sans savoir. Pour décider à mon avantage. Pour évoluer.
C’était là la dernière étape du pèlerinage. Je ne suis plus en mission d’être mère. J’avais mis le doigt sur le sens de sa venue fugace, sur les apprentissages que notre couple allait acquérir pour changer de trajectoire et ouvrir vers du nouveau. Le passé est passé. Parce que chacun fait avec les ressources qu’il a.

Il est temps pour moi de réveiller les ressources silencieuses chez les personnes souhaitant trouver un meilleur équilibre avec leur histoire familiale. Il est temps d’être responsable. De prendre des décisions qui ne sont plus en lien avec le passé si celui-ci n’est pas adapté à mon présent.

J’ai choisi la France. J’ai choisi un français pour vivre à la française. Pour apprendre en vivant à ses côtés. C’est mon pays, celui où j’habite où je suis propriétaire et où je choisis que mes enfants y grandissent. Je ne suis plus victime de mon passé. Bâtir, construire pour accueillir la vie.

Apprendre à vivre à ma façon. Apprendre à me décharger. Il existe des chemins de traverse. Je peux me démarquer. Modifier mon tableau intérieur. Avoir ma place. Ma personnalité.

Oui, nous sommes régis par nos gènes avec les réactions et comportements qui forment une famille entre la naissance et la mort. Mais non, la fatalité n’existe pas, elle peut se laisser creuser par un blanc que l’on peut colorer et nuancer. Notre histoire n’est pas close comme j’ai pu le croire. Notre histoire évolue. Je ne suis plus une étrangère, une touriste en France. Je ne suis plus une mère endeuillée mais une maman dont le cœur bat pour trois enfants. J’arrive à m’adapter.

Le plus difficile dans ce travail a été de me réapproprier la problématique. Mon cerveau était influencé par mes références apprises et transmises par mon héritage familial. Mais mes connaissances acquises se ferment à l’âge adulte et mon cerveau considère que toutes les bases que j’ai apprises, l’épigénétique y compris, constitue les meilleures références pour ma survie 24h/24.

Parler de l’histoire familiale c’est bien. Avoir les informations, c’est bien. Mais le risque est de créer des alibis. S’il m’est arrivé telle chose, c’est parce qu’il est arrivé ceci ou cela. Nous sommes très forts pour donner des explications, des raisons à l’événement que vit une personne… au risque de classer l’affaire. Comme si c’était plus rassurant en somme de savoir que si je vis telle chose, c’est parce qu’il y a une logique en fonction de ce qui a été vécu dans le passé ! Ce qui me dérangeait là-dedans, c’est que je n’étais plus très libre. Je dépendais de mes ancêtres. Et je ne pense pas que l’évolution soit basée là-dessus. Notre héritage comporte les références de nos ancêtres mais le danger après est d’entendre ce type de discours : « Moi, j’ai eu un héritage et c’est un cadeau empoisonné ! »
C’est plus facile de regarder chez les autres, c’est plus facile de penser que ce n’est pas moi qui ai mis en place la situation dans laquelle je me retrouve. Mais si ce n’est pas moi, je ne suis pas responsable donc pas adulte donc je ne peux pas gérer ma vie. Je risque de dépendre des autres, je vais vivre des événements, je vais les subir.

Le travail que je propose est d’adapter la situation, les comportements, la maladie en lien avec l’apprentissage de l’héritage familial de chacun. Et non de renier ou d’être coincé par son héritage.
En somme, voici la question que je me suis posée et que je me pose lors de mes consultations : qu’est-ce qui est le plus important ? Est-ce de vivre des événements que tu désires comme l’amour, l’engagement, t’épanouir au travail ? Ou est-ce d’être bloqué par ta mère, ton père, ta famille, ton boss ?

C’est toujours une question de priorité. Sinon ce sont vite de grands alibis. L’alibi fige le problème au risque de se retrouver comme la grenouille dans la casserole.

Une grenouille nage dans une casserole d’eau froide. Un feu est allumé sous la marmite de façon à faire monter progressivement la température. La grenouille nage sans s’apercevoir de rien. La température continue de grimper, l’eau est maintenant tiède. La grenouille s’agite moins mais ne s’affole pas pour autant. La température de l’eau continue de grimper. L’eau est cette fois vraiment chaude, la grenouille commence à trouver cela désagréable, elle s’affaiblie mais supporte la chaleur. La température continue de monter, jusqu’au moment où la grenouille va tout simplement finir par cuire et mourir.

Si la même grenouille avait été plongée directement dans l’eau à 50 degrés, elle aurait immédiatement donné le coup de patte adéquat qui l’aurait éjectée aussitôt de la marmite.

C’est comme cela que les personnes se mettent en danger sans s’en rendre compte.

Ce qui m’anime aujourd’hui c’est de pouvoir donner un accès à un chemin que la personne ne connait pas et qu’elle ne sait pas encore utiliser parce que tout simplement elle ne l’a pas appris. Et ce chemin, si elle en a besoin, elle pourra l’utiliser pour s’apercevoir qu’elle se met en danger et immédiatement avoir les ressources pour s’en extraire. Sinon, on ne s’en rend pas compte. Vous connaissez tous une personne dans votre entourage qui tombe malade à 60 ans, au moment de partir en retraite. Elle n’a jamais été malade de sa vie. Elle a toujours eu la pêche, elle a fait des tas de choses dans sa vie et le jour où elle est à la retraite et, que normalement, elle devrait profiter, c’est à ce moment-là que la maladie sort. Elles ont fait front dans leur vie, elles ont avancé et se sont oubliées…

Notre cerveau n’est pas intelligent, il est performant. Il fait comme nos neurones ont appris. Si vous changez vos apprentissages, vous changez votre futur. En ayant adapté certains apprentissages s’éloignant du programme naturel de l’individu, cela peut rendre l’expression innée de certains gènes silencieux. Je sais à présent que lorsque l’inné est silencieux et que je veux faire des choses, elles seront moins faciles. La grossesse, dans mon cas, est censée être un état normal et facile. Pour moi, c’était un état difficile et stressant. Il a donc fallu que je repère chez moi tout ce qui pouvait ne plus être adapté à mon présent et qui m’amenait à ne pas savoir gérer certaines situations, voire à les vivre sous stress. Puis j’ai fait un « réglage » en apprenant des nouvelles données en lien avec mon quotidien pour que ce soit fluide aujourd’hui.

Il y a dans chaque nid, des douleurs et des solutions. Ce nid vit. Mes journées se sont éclairées. Elles sont venues parsemées des petits pieds d’amour de mes enfants courant le matin de leur lit à notre nid. C’est devenu facile et doux.

J’allais à présent accompagner des femmes, des mères, des couples en demandent de créer leur clan. De continuer une lignée. Une histoire. D’appartenir à une famille. Panser ce qui a été abîmé. Mettre du sens sur les âmes muettes.

MARION PETIT
Auteure : « Naissance d’une mère »

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