Je suis passionnée de Cheval depuis ma tendre enfance…
Quand on m’a demandé si Isabelle pouvait intervenir dans le mag pour parler de son expérience magnifique avec ce cheval et de son livre, j’ai été ravie de répondre par l’affirmative.
Lisez son histoire, c’es très inspirant.

 

Voilà la phrase qui a le plus marqué mes premières années auprès des chevaux – ces années de 8 à 14 ans consistaient essentiellement à la pratique de l’équitation. En effet, à l’époque et encore aujourd’hui même si de plus en plus de centre équestres offrent d’autres possibilités, lorsqu’un enfant souhaite se rapprocher des chevaux, il n’a pas beaucoup d’autres choix que celui qui consiste à monter sur le dos de cet être animal. Qu’il brosse, papouille, renifle ou observe, s’il est là, c’est très souvent parce qu’il est inscrit au cours d’équitation, ou qu’il vient voir un proche qui la pratique.
Moi j’adorais m’occuper des chevaux, curer les boxes dès 7h le matin, amener un cheval brouter l’herbe verte, juste pour les sentir près de moi, mais l’heure d’équitation était un calvaire stressant. Non seulement, j’avais peur, mais j’apprenais à faire une chose dont le sens échappait à l’envie de mon cœur : un être vivant qui oblige un autre être vivant à faire ce qu’il a décidé, sans se préoccuper de ce qu’il veut, lui.
Heureusement, comme dans la plupart des établissements équestres, chacun est libre d’y passer le temps qu’il veut, de s’adonner à ses occupations préférées ça et là, d’aider, et passer ainsi sa journée auprès des chevaux comme il le souhaite. Ce fut mon cas. Il m’est même arrivé de faire l’école buissonnière pour y aller en semaine !
J’ai ainsi passé mes examens de niveaux pour devenir une « bonne cavalière » et suis sortie en concours, jusqu’au jour où, n’ayant ni trouvé comment « arrêter d’avoir peur », ni résolu cette quête de sens, j’ai cessé l’équitation.

Mon corps me parle…
Pendant toutes les années qui ont suivi, à chaque fois que je croisais un cheval en images ou sur le bord d’un chemin, je vivais une profonde nostalgie. Mais ça n’est que bien plus tard que j’ai retrouvé le peuple cheval. Avant cela, vers l’âge de 26 ans, on m’a décelé un « trouble médical » avec comme seule description : « un dysfonctionnement inexpliqué… Il faut vous mettre sous ménopause artificielle et vous opérer au plus vite ». Ce fut un grand bouleversement émotionnel sous lequel j’ai bien failli m’en remettre totalement à ce que me disait le Docteur. Mais j’ai rapidement refusé, prétextant que si j’avais réussi à créer cela, je devais être en mesure de le décréer. Je ne sais pas d’où mais venue cette idée, mais je vous assure que c’est la réflexion que je me suis faite à cet instant.
Et la suite ne se fit pas attendre : j’ai rencontré Les Bonnes Personnes, les unes après les autres comme si elles se donnaient la main pour me guider vers ce qui allaient devenir mon chemin d’évolution spirituelle. Auprès d’accompagnants d’immense valeur, je discernais mes propres mécanismes, les lois de l’énergie, la pleine conscience, les sagesses ancestrales, puis la communication-non-violente, … autant d’approches qui visent le déploiement naturel et autonome depuis l’élan du cœur – dans le rapport à soi et à l’autre.
C’est en 2000, l’année de mes 28 ans, sur le chemin de St Jacques de Compostelle, dans cette crise existentielle nécessaire, que mes pas sont arrivés dans une ferme équestre aveyronnaise qui éduquent les chevaux en s’inspirant de leur comportement naturel. Les femmes de cette famille, telles des juments dominantes, ne se laissaient pas marcher sur les pieds ; autant qu’elles savaient prodiguer les soins nécessaires à leurs protégés. Ainsi, c’est en liberté que les jeunes poulains suivaient naturellement leurs mères lors des balades à cheval, afin de s’acclimater au travail qui leur serait demander plus tard.
Quand la matriarche de cette famille me proposa de poser mes fesses sur un cheval, après avoir écouté mon histoire avec les chevaux, tous les conditionnements techniques qui contrôlent l’animal me revinrent instantanément en souvenir et j’ai donc automatiquement refusé. Il ne lui fallut pas insister beaucoup pour rallumer la flamme… Nous partîmes à cheval à travers la forêt et chemins rocailleux, traversant l’Aveyron – avec les chaussures lacées entre elles et accrochées à mon cou, le cheval nageait sous moi, nous avons galopé dans les rivières et sur les crêtes, je sentais le cheval bien vivant et absolument pas docile par la contrainte d’un harnachement le pressant d’obéir. J’avais enfin un cheval heureux sous mes fesses ! Il pouvait brouter à chaque arrêt et nous adaptions le rythme à leur entrain pour tel ou tel partie du voyage. N’hésitant pas à descendre pour le soulager. Nous faisions équipe !
Ces deux heures de balades furent deux heures de pur bonheur qui changea radicalement mon expérience de l’équitation. Pas la peine de savoir monter à cheval pour vivre ça. J’affirmais « C’est ça que je veux faire ! C’était ça que je cherchais ! ». Je décidais d’ouvrir des espaces où les gens pourraient vivre la connexion avec le cheval libre et heureux. Qu’ils sentent que ça n’est pas la peine de chercher à être mieux que ce qu’on est pour atteindre cette osmose, pour se connecter au cheval, sans artifice. Tout est déjà en nous. J’étais bien décidée à offrir des moments qui permettent d’honorer la place du cheval sur terre pour des humains en quête de relations authentiques et respectueuses du peuple cheval. J’ignorais encore que c’était les prémisses de ce qu’est Equivivencia aujourd’hui.
Lors de ce séjour, j’ai rencontré Cannelle, belle jument Fjord au ventre bien rond. Elle abritait le poulain qui deviendra mon partenaire cette aventure. Mon premier cheval, mon rêve d’enfant se réalisait.

J’avais bien senti que l’affirmation de ce projet avait vibré en moi comme un soin, et que cette décision d’accueillir mon premier cheval était d’une grande puissance symbolique, psycho-magique. Mais je n’aurais jamais imaginé ce que le médecin allait me dire lors du rendez-vous qui a suivi mon retour : « C’est incroyable, il n’y presque plus de trace… Vous êtes presque guérie. »

La clef de l’énigme : reconnaître et accueillir
Je décidais de revenir sur les bancs de l’école d’équitation et, à la lumière de mes nouveaux apprentissages, je résolvais enfin l’énigme « Arrête d’avoir peur ton cheval le sent ».
Au lieu d’essayer de renier mon ressenti, je le reconnaissais et l’accueillais. Ce qui eut pour effet d’apaiser les chevaux qui habituellement s’affolaient avec moi. Les chevaux sont extrêmement sensibles à l’intelligence émotionnelle et sensorielle puisque ce ressenti leur sauve la vie. A l’état sauvage, ils sont capables de percevoir un puma affamé à 15 km. L’être humain est une bien curieuse espèce à vouloir dissimuler son ressenti jusqu’à parfois l’oublier.
« On ne peut pas faire l’économie du chemin vers soi pour aller vers l’autre » , de Mashall Rosemberg, remplaça définitivement la première sur la peur.
Par les voies de notre ressenti, c’est la vie en nous qui nous relie à la vie à l’extérieur de nous. Nous touchons alors un lieu d’intelligence qui nous remet sur le sillon auquel l’évolution nous avait naturellement préparés. Le cheval semble nous y convoquer à chaque rencontre.
Je m’accomplis grâce au cheval…et j’en fais mon métier pour aider les autres à s’accomplir.
En découvrant que le cheval détecte toute incohérence entre ce qui est ressenti et ce qui est exprimé, je le considérais désormais comme un maître nous invitant à chaque instant à aligner nos actions sur notre vérité ultime – c’est-à-dire, qui nous sommes véritablement.
C’est une des raisons majeures pour laquelle Equivivencia est devenue une approche du cheval en liberté comme voie d’accompagnement vers l’accomplissement humain.

Un livre pour honorer la place du cheval sur Terre auprès des humains
Grâce à notre rencontre avec lui, il y a 5000 ans, nous avons accéléré notre développement (agriculture, déplacements, confort, etc.) mais dans cette course à la modernité, le cheval semble nous rappeler que nous avons peut-être oublié quelque chose : la liberté vient de notre unité avec la nature.
A l’heure où nous parlons autant de crise existentielle que de crise écologique, je crois que le cheval est à nouveau présent pour nous aider dans ce nouveau basculement que vit l’humanité, à condition d’entendre ce qu’il nous murmure à l’oreille. Ce livre est là pour nous aider à recevoir et à suivre la sagesse du peuple cheval.

Cultiver le vide fertile
Je ne pourrais terminer ces lignes sans vous parler du vide fertile dont il est largement question dans ce livre.
J’ai écrit ce livre parfois au milieu des prés pour me laisser inspirer par ce que le peuple cheval me soufflait, parfois accrochées à mes souvenirs pour coucher sur le papier les expériences concrètes qui illustrent mes propos, et très souvent devant une feuille blanche pour me laisser traverser par l’expression de mon cœur, de la vie.
Cette feuille blanche, ce vide fertile – réceptacle favorable à la création et relié au principe féminin – rappelle la saison de l’hiver nécessaire à toute la création qui se prépare pour le printemps. Le cheval nous y attend patiemment… Avec ce grand sage à crinière, j’ai souhaité faire voyager le lecteur jusqu’à ce lieu précis en lui-même, essentiel et trop souvent oublié dans le-monde-qui-va-trop-vite.

Un livre pour tous !
Qu’il soit près de lui ou blotti dans son imaginaire, à travers ce livre, tout lecteur peut se laisser toucher par sa sagesse.

ISABELLE POUYSEGUR
Auteur de « Cheval, raconte-nous la liberté »