INTERVIEW DE CATHERINE MAILLARD, Auteur du Livre « JE DANSE DONC J’EXISTE », Chez Albin Michel (Avril 2015)

Depuis toujours, la danse fait partie des rituels de guérison et de célébration. Le corps est alors au coeur du processus d’évolution de la personne et de la danse thérapie. Dans son dernier ouvrage « Je danse donc j’existe », Catherine Maillard nous propose de découvrir  une pratique bien loin du simple hobby, qui apporte un véritable soin du corps et de l’âme…

« Je danse depuis aussi longtemps que je m’en souvienne. A douze ans, je tournoie déjà, en jupe de Gitane, sur les valses de Chopin, un lien inconscient avec Isadora Duncan dont je prendrai connaissance bien plus tard. Tel un derviche tourneur, je tente d’échapper à la pesanteur, à la gravité de la vie, scolaire comme familiale. Tout mon corps est tendu vers l’absolu. Adolescente, je prends des cours de street jazz, de claquettes aussi. Une fois à Paris, mes pieds foulent sans relâche la cour de danse africaine… Pourtant, une certaine insatisfaction persiste, celle sans doute de devoir me caler sur une figure imposée.
Ma première révélation a lieu lors de ma formation en relaxologie selon la méthode Vittoz (l’une des toutes premières approches psychosomatiques), où domine l’éveil des sens. Mon corps grandit en réceptivité, comme en créativité. Françoise Grimaud, notre enseignante, est férue de danses traditionnelles d’inspiration grecque et chaque session se clôture par des pas de danse, en bord de mer, au soleil couchant. J’y découvre ce lien avec le groupe et la grâce de vibrer ensemble en mouvement en pleine nature. Isadora Duncan virevolte toujours à mes côtés, sans que j’aie encore eu vent de son existence. Une rencontre déterminante place la danse résolument au centre de ma vie. Les premiers pas que je vis sous la houlette charismatique de Katherine-Michèle Thomas m’ouvrent des espaces inconnus. En 1990, sa pratique trouve sa voie propre : c’est quasiment une danse de la ferveur. Les consignes sont très différentes des parquets du Centre du Marais parisien. Katherine-Michèle Thomas nous invite à laisser émerger notre propre mouvement, pour seulement ensuite nous aventurer à la rencontre de l’autre. Le corps remplace les mots, à commencer par ceux que l’on se murmure à soi-même. De nombreux week-ends me font prendre conscience de l’incroyable énergie d’amour qui sommeille en chacune de nos cellules et ne demande qu’à se mettre en mouvement, pour exprimer sa gratitude d’être en vie.
Depuis, je n’ai cessé d’explorer les voies de la danse, pour nourrir ce feu sacré que je sens brûler en moi, qui donne des ailes à mes pieds et des étoiles à mes pensées. La danse a transformé ma vie. C’est sans doute pourquoi je me suis engagée à essayer d’en transmettre le message. Écrire sur la danse invite à un certain exercice, à un mouvement intérieur pour approcher au plus près ce mystère du geste libre que cette discipline nous permet d’effleurer. Alors seulement, au fil des entretiens publiés dans ce livre, pourra se lever un voile, celui de la magie de notre corps. Notre corps non plus comme un ennemi, un fardeau, un objet de séduction ou de plaisir, mais un temple, une bibliothèque, un vaisseau pour voyager. La danse nous offre ce pont pour nous rencontrer nous-mêmes, dévoilant un pan de notre mystère pour mieux l’incarner. Du frisson à l’extase.
Depuis toujours, sous toutes les latitudes la danse fait partie des rituels de guérison et de célébration des ancêtres. Claude Lévi-Strauss conseillait aux psychanalystes de s’inspirer de leurs grands prédécesseurs, chamanes et sorciers dansants, dont on trouve déjà les traces sur les parois des grottes paléolithiques. Plusieurs scènes de la grotte de l’Addaura, à Palerme en Sicile, ou de Lérida, en Espagne, ont permis d’établir que l’homme des cavernes dansait. Sans doute le faisait-il parfois dans des buts précis, comme d’apporter la fertilité aux femmes, d’appeler l’abondance du gibier, de décourager les hordes adverses ou d’honorer les divinités. Mais peut-être dansait-il aussi simplement, comme nous, par pure joie d’exister.
Des milliers d’années plus tard, la danse-thérapie inaugure un nouveau rapport au corps. Sur le parquet de danse, hommes et femmes trémoussent en rythme, comme s’ils voulaient rejeter des siècles de contraintes et de frustrations. Par la libération des tabous qu’elle développe, cette pratique nouvelle signe un retour de notre énergie vitale, qui ne demande qu’à circuler. La danse-thérapie, en déplaçant l’expérience en solo du divan vers la pratique collective du parquet, répond à un besoin de l’individu de s’épanouir, mais aussi d’appartenir à un groupe, celui-ci produisant par résonnance une accélération des prises de conscience. Là où parfois nous pouvons « tourner » autour du pot en séance individuelle, le bain collectif nous pousse à dépasser nos limites, comme une matrice bienveillante nous proposant une nouvelle naissance.
Nous sommes tous des danseurs. La danse-thérapie s’adresse à tous. Notre besoin de bouger comme notre quête de convivialité y rencontrent notre soif de connaissance de soi et la possibilité d’une expression libre et pleine de nos potentiels. »

CATHERINE MAILLARD

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