C’est encore ma volonté de mettre en lumière le parcours chaotique d’un créateur pas banal qui m’a poussée à interviewer Alban… Car la création nous transcende et nous guérit… Diagnostiqué enfant surdoué à l’âge de six ans, Alban connait un parcours scolaire des plus chaotiques. En décalage avec les autres enfants comme avec le modèle sociétal, il s’est abandonné presque maladivement à l’écriture comme activité principale et systématique. Ses premières oeuvres abouties sont des pièces comiques. Il ouvrira une librairie à Marseille, avant de se retrouver embarqué par amour dans une organisation sectaire réputée dangereuse. Cette aventure, il en parlera sur France 2, dans le Journal le Parisien. C’est une expérience qu’il relate dans son premier ouvrage officiel, le roman « Chute Ascendante ». Depuis lors, Alban réussit enfin plus ou moins à vivre de son activité scripturale et ainsi ne plus se retrouver emporté par des courants délétères…

 

L’histoire de mon cheminement de conscience a commencé à s’interroger et à sortir de sa béatitude au moment où j’ai été diagnostiqué surdoué, j’avais alors pas tout à fait six ans et j’ai été chassé de l’Eden. J’ai eu alors l’impression d’être désigné comme une anomalie, quelque chose qui fait peur et dont on ne sait pas quoi faire. Ce rejet que je vivais de l’extérieur, j’y ai répondu en rejetant à mon tour la société et la vie terrestre dans son ensemble. Je n’étais de plus pas satisfait de ma condition de garçon, je souhaitais ardemment être une fille, j’avais l’impression que tout serait plus facile ainsi (j’avais aussi le sentiment qu’être un garçon m’interdisait toute joie, toute sensibilité, toute beauté et me condamnait à être fade, inintéressant, brute et insensible, un peu bête et méchant – je ne connaissais aucun modèle masculin digne). Je suis devenu très solitaire, mon parcours scolaire a été des plus chaotiques. J’avais plein de petits pépins de santé et je gérais difficilement mon hyperémotivité qui générait souvent une forte propension au stress qui a rythmé mon adolescence.

Je me réfugie dans l’écoute de musique (tous genres confondus), la lecture et l’écriture compulsive. Des activités où je trouve des espaces de liberté et de vérité. La pratique du théâtre me permettra d’initier une transformation, de commencer à exprimer des choses à l’extérieur même si ce ne sont que des états joués ne m’appartenant pas qui me permettent encore de me cacher et de ne pas vraiment me livrer.

Je découvre le Reïki à quatorze ans en Dordogne avec le Dr Stéphane Glomeron, je passe une à une les initiations jusqu’à la maîtrise. J’y vis une grande libération, s’ouvre une vie avec laquelle je suis plus en harmonie, où je tiens davantage un rôle. Je trouve dans ces stages l’état que je trouve naturel, l’état où tout le monde s’aime et où les frontières entre les personnes sont abolies. Il se créé des connexions loin des codes froids et désensibilisés qui régissent le scolaire ou le professionnel. Mais passés ces moments de stage, j’ai tendance à redevenir l’être solitaire que j’étais avant ces initiations. J’aime les couleurs, les émotions fortes, j’aspire à réveiller les cœurs, à changer ce monde terne et sans saveur. Mais ça reste dans l’idéal, concrètement je m’implique trop peu dans les échanges avec les personnes et reste trop dans ma bulle. Ça reste beaucoup du domaine de l’écrit et de la réflexion, ou de la célébration solitaire. Je passe pour quelqu’un sur le retrait, un peu austère.

Je fais la rencontre en 1999 d’une énergéticienne travaillant sur le nettoyage cellulaire, Marylise Rey. Le travail avec elle obtient des résultats impressionnants, il m’allège, me libère d’énergies stagnantes, il me permet de vider un peu ma tête surmenée par de constantes cogitations de surdoué, et surtout de désengrammer les schémas familiaux, très lourds du côté de mon père comme du côté de ma mère. Je resterai pendant 12 ans en travail initiatique avec cette personne, jusqu’à devenir un peu son assistant.

En 2007, j’ouvre dans le centre-ville de Marseille un centre baptisé « L’Arbre de Vie ». C’est d’une part un magasin qui vend notamment du matériel paramédical, des pierres et des livres, et de l’autre une salle d’activités (méditations, soins, cours de yoga, chamanisme, voyances, ateliers de chant, etc.). De devenir ainsi un personnage public avec des responsabilités me fait entrer plus dans la vie sociale. Mais je me sens un peu creux. J’ai souvent l’impression d’être un juke-box, de disposer de tout un éventail de comportements et de jouer dans une forte empathie émotionnelle ce que la personne en face de moi me demande.

C’est dans le contexte du mouvement Ashram Shambala que je vais vraiment spectaculairement « sortir de moi », m’offrir totalement et aller me frotter aux autres et vivre le partage avec tous les délices et les dangers que cela représente, en exprimant mes ressentis. Je me suis aperçu que tout ce que je croyais allant de soi n’allait pas toujours de soi pour les autres, qu’il fallait verbaliser, manifester. Ce fut un envol, une initiation au bonheur d’être vivant dans l’incarnation.

Puis, il y eut la chute. La rupture sentimentale avec une personne de ce mouvement et l’envers du décor de celui-ci m’ont fait passer de l’évidence au non-sens le plus absolu. Phase que j’ai apprivoisé tant bien que mal en écrivant, en écrivant de façon plus structurée que je ne l’avais fait jusqu’alors (je réussissais rarement à accoucher d’une œuvre aboutie). J’ai publié alors une trilogie d’autobiographie romancée qui exorcisait des troubles et me permettaient de conscientiser et d’intégrer le chemin parcouru. J’ai vécu la publication de mon premier ouvrage comme un coming-out au sens propre, j’avais vraiment l’impression de sortir du placard et de montrer au monde que j’existais. Mais j’attendais sottement une intervention extérieure me tirant de là où je m’étais retrouvé, me ramenant dans cette vie dont je me sentais exilé. J’avais l’impression d’avoir vécu un déraillement, d’avoir été balancé hors du chemin, d’avoir été sorti du jeu pour prendre une métaphore sportive ou ludique. J’avais l’impression de subir et sentais une grande insatisfaction et beaucoup d’injustice devant cette vie qui s’était soudain enchantée pour finalement ne se retrouver que davantage désenchantée. J’aurais pu consulter un psychologue mais je n’ai jamais ressenti le besoin d’un tuteur et j’ai réussi à trouver dans la voie de la simplicité et du dépouillement une issue sûre m’entraînant dans l’autopsychanalyse.

Je relate dans ce quatrième roman, toujours largement autobiographique, mon cursus depuis ce point-là. En partant de ma rencontre avec mon guide, ou ange gardien – je ne sais pas au juste comment il convient de l’appeler – « elle » (parce que cette manifestation a pris une apparence féminine) s’est en tous cas présentée comme mon « ange gardien » (peut-être une présentation spécialement adaptée pour moi et mon cadre de référence). Elle m’a fait travailler en profondeur ce que j’étais vibratoirement en s’attardant sur chaque plan. Elle m’a fait explorer mes zones d’ombre, affronter mes blessures que je cherchais à fuir. Elle a réimprimé le mouvement en moi à tous les niveaux. Le travail a duré sur plusieurs nuits espacées dans le temps. Les grosses étapes se sont révélées être le pardon (à moi comme aux autres) et la patience. J’ai dû apprendre à être patient, à me rassurer profondément, à me refaire confiance, à retrouver la foi. Elle m’a fait faire beaucoup de rituels de guérison, beaucoup d’exercices de concentration, de lâcher-prise, de visualisation, de mouvement, de sensualité. Un autre gros zèbre à s’être manifesté, l’impression d’avoir été trop gentil et trop naïf, et de s’être fait ainsi abuser. Il a fallu arriver à en prendre conscience et à corriger ce qui devait l’être sans pour autant tomber dans l’excès inverse (ne pas devenir méfiant, ne pas se croire obligé de montrer les dents). J’ai eu vraiment l’impression d’exorcismes et de finalement mourir à mon passé pour mieux renaître plus fort et plus léger. Mon corps mental a été comme reformaté et de tout ce que je portais comme un poids de souffrance, je me suis mis un matin à le voir comme une chance, un tremplin. Je devais continuer à travailler durant la journée, appliquer une vigilance permanente à ne pas retomber dans les mauvaises habitudes et s’ouvrir à la Vie, à l’inconnu : lâcher le contrôle, les idées qu’on se fait des choses, aller dans le ressenti, dans ce qui vibre, s’imprégner de ce vibrant, ne rien réprimer, ne pas chercher à être parfait, et avoir confiance aux ressources de l’Univers. J’ai été aussi aidé dans ce cheminement par la pratique du processus de la Présence de Michael Brown. Un véritable soin chamanique a clos le processus de guérison et de métamorphose. J’ai retrouvé l’amour dans mon cœur, j’osais à nouveau m’ouvrir.

La réponse de l’Univers se manifesta par des rencontres (dont surtout une déterminante ressemblant dans l’apparence à celle de mon ange gardien qui venait sans doute ainsi se faire annonciateur), des propositions. Je reprenais des rails d’une façon naturelle, comme si je ne m’étais jamais égaré. J’avais reconnecté avec la douceur de la vie, le féminin (cela s’est manifesté également par une reprise de contact avec ma cousine-jumelle que je n’ai plus vu depuis quinze ans). J’étais rentré à nouveau dans la joyeuse danse cosmique, sorti de l’autocentrage. Une danse qui ne cherche pas à faire du sens mais qui est comme un miracle quotidien, comme du bonheur offert à chaque respiration. La féérie est partout lorsqu’on sait accueillir les choses qui paraissent les plus simples.

Mon premier amour, Sud-Américaine, ne cessait de me dire « Arrête d’être si sérieux ! Arrête d’être un garçon ! Les garçons, ça croit toujours qu’il faut être sérieux parce qu’ils sont des garçons ». Et je ne comprenais pas tellement ce qu’elle voulait me voir arrêter d’être, elle ne parvenait pas à me changer dans cet aspect dont les femmes se plaignent souvent. Aujourd’hui, je pense l’avoir mieux compris, j’ai fait exploser la carapace et j’ai abandonné le carcan du sérieux. Cette puissance de joie qui se révèle est impressionnante, elle peut faire peur, on redoute souvent de s’y abandonner complètement, on cherche instinctivement à la retenir quelque peu comme si on craignait de blesser quelqu’un alors que c’est tout l’inverse qui peut se produire. Nelson Mandela a bien raison, ce qui nous fait bien le plus peur c’est notre puissance. On se sent crépiter d’étincelles lumineuses qui semblent infinies et qui déclenchent régulièrement des vagues de rire et de plaisir. Cet état s’installe progressivement avec un effet boule-de-neige.

J’exprime cette aventure dans Autopsy d’un enfoiré avec fantaisie, un brin de surréalisme et un nécessaire hommage à la Chanson qui m’a toujours accompagné le long de toutes les étapes de mon existence. Cette entité culturelle m’a souvent semblé être l’ultime compagnon, celui qui imprègne toute mes émotions en réciprocité, celui qui reste toujours dans ma vie et m’enseigne où que je sois et qui dessine une continuité, qui constitue la mémoire d’un vécu sensitif. Un compagnon que je ne peux pas perdre puisqu’il va toujours resurgir dans mes cellules ou physiquement à mes oreilles… dans n’importe quel véhicule, dans n’importe quel lieu public, et même au fin fond d’une forêt Ukrainienne.

ALBAN BOURDY

Son dernier Roman : « Autopsy d’un enfoiré », ed 7écrit : Cliquez-ici 

Roman « Chute ascendante », Ed 7 écrit : Cliquez-ici